L'ethnométhodologie
Le terme ethnométhodologie, introduit dans les années 1960, est calqué sur les dénominations en usage dans les ethnosciences : ethnobotanique, ethnomédecine, etc. Ces disciplines étudient les classifications indigènes et les systèmes de connaissance qu'elles articulent. Pareillement, l'ethnométhodologie est l'étude des méthodes ordinaires mises en œuvre par les agents sociaux dans les raisonnements et les décisions pratiques qui médiatisent l'organisation de leurs cours d'action. De son point de vue, « respécifier » la question de l'action sociale, ce n'est pas promouvoir une interprétation des intentions et des motivations des acteurs, ni restituer leur expérience vécue ; c'est découvrir les méthodes qu'ils utilisent pour ordonner leurs cours d'action en situation et rendre leurs comportements mutuellement intelligibles au fur et à mesure de leur configuration.
La référence à Schütz s'atténuera progressivement dans les textes de Garfinkel. Mais son ancrage phénoménologique demeurera intact. Il a fait de plus en plus sienne la problématique du « champ phénoménal » de Maurice Merleau-Ponty, tout en la transformant en un thème proprement sociologique. Cette posture l'a conduit à insister sur le caractère sensible et concret de l'ordre et de l'intelligibilité du monde social (ce ne sont pas les discours et la réflexion qui en sont la source). Ce faisant, il rapporte leur production, leur reconnaissance et leur maintien à des opérations, réglées normativement, que les agents sociaux (les « membres ») font méthodiquement entre eux, ou les uns par rapport aux autres, dans la gestion de leurs affaires de la vie courante. Cette production, cette reconnaissance et ce maintien sont étayés sur une connaissance de sens commun des structures sociales, sur les évidences constitutives de l'« attitude de la vie quotidienne », ainsi que sur une maîtrise pratique des méthodes et procédés selon lesquels les diverses activités s'organisent. Le fait que ces activités soient ordonnées en situation, dans un traitement de contingences et de circonstances concrètes, et avec juste ce qui est disponible, ou juste ce qui est requis pour ce qui est en cours, n'empêche pas qu'elles soient aussi objectives, qu'elles apparaissent indépendantes de ces contingences et circonstances, indépendantes aussi de ceux qui les réalisent et de leurs actes singuliers.