Accéder au contenu principal

Sociologie économique

Sociologie économique.
La sociologie économique est un domaine de la sociologie qui cherche à comprendre et expliquer (par les outils de la sociologie) les diverses formes d'économie, et qui cherche à coupler les intérêts économiques avec les relations sociales.

Définitions.
Il s'agit pour Neil J. Smelser et Richard Swedberg, de "L'application des cadres de référence, variables et modèles explicatifs de la sociologie à des activités ayant pour but la production, la distribution, l'échange et la consommation de biens et services rares." [1].

L'approche générale consiste à appréhender toute forme d'économie comme étant une forme sociale, le résultat d'une construction d'actions et de relations sociales. Une des meilleures introductions à l'objet de la sociologie économique se retrouve au chapitre 2 ("Economic sociology") du livre de Fred L. Block "Postindustrial Possibilities: A Critique of Economic Discourse", University of California Press, 1990.

Histoire .
Précurseurs de la sociologie économique Modifier
Les auteurs classiques de l'économie ont souvent pratiqué une forme de "sociologie économique", mais non formalisée, notamment car la sociologie et moindrement l'économie n'étaient pas encore des disciplines institutionnalisées.
Ainsi Karl Marx (1818-1883) dans le Capital (1867), livre conçu comme un texte théorique écrit par un économiste, affirme, dès le début du premier livre, que la valeur des marchandises, des objets provient de ce « que dans leur production une force de travail humaine a été dépensée, que du travail humain y a été accumulé. En tant que cristaux de cette substance sociale commune, ils sont réputés valeurs. » [2] La « valeur proprement dite » est ainsi une « réalité purement sociale ». Elle est l'expression d'un « mode de production » dont dépend un « système de division sociale du travail » et un « rapport social » entre les humains. Marx semble donc ici à la fois économiste et sociologue[réf. souhaitée].

Léon Walras (1834-1910) offre un autre exemple ; il est surtout connu pour ses tentatives précoces de construction d'un modèle d'équilibre général, fondement de la théorie économique néoclassique. Mais Walras voit l'économique mathématique comme une partie seulement de l'économie, une sorte de physique visant la vérité (comment produire, échanger de la manière la plus efficace ?). Selon lui, il faut y ajouter l'économie politique (comment gouverner, réformer concrètement ?) et l'économie sociale (comment réaliser la justice ?). On retrouve là des préoccupations d'ordre sociologiques et politiques.

Parmi d'autres précurseurs qui ont associé économie et sociologie figurent Joseph Schumpeter, travaillant sur les classes sociales, et la fiscalité d'un point de vue sociologique, ou Vilfredo Pareto, traitant de l'élite et de son renouvellement, l'on peut aussi citer de purs sociologues, comme Georg Simmel, avec La philosophie de l'argent[réf. souhaitée].

Contribution de Karl Polanyi Modifier
Étudier les échanges économiques implique d'en avoir une définition applicable à toutes les civilisations (n'importe où et à n’importe quelle époque. C’est ce que s’est proposé de faire l’anthropologue Karl Polanyi[3] avec la définition suivante : « L’économie est le procès institutionnalisé d’interaction entre l’homme et son environnement, cette interaction lui fournissant de façon continue les moyens matériels de satisfaire ses besoins ». C’est donc un processus régi par des règles spécifiques à chaque civilisation qui peuvent être classées (toujours selon Polanyi) dans trois grands “modèles” de systèmes économiques.

Le premier étant la réciprocité, c’est un échange entre deux groupes, une sorte de troc comme le pratiquait les chasseurs-cueilleurs.
La redistribution est le deuxième modèle, il consiste en un rassemblement de biens en un centre pour être redistribué en fonction de critères déterminés.
Et finalement l’économie d’échange, que nous connaissons actuellement dans nos pays, avec l’organisation de marchés impliquant une fluctuation des prix et de nombreuses transactions.
Ces différents modèles semblent être apparus successivement dans l’Histoire pour aboutir au système le plus “évolué”, mais aucun d’entre eux n’a disparu ou n’a existé seul dans un même champ économique (même s’il y a des dominances). C’est donc en prenant ces trois “modèles” complémentaires de Polanyi que l’on peut tenter de comprendre les pratiques économiques de toutes organisations sociales. Polanyi parle d'un désencastrement progressif de l'économique par rapport à la société dans laquelle il était enchâssé, thèse réfutée par certains sociologues, comme Granovetter ou Paul DiMaggio (en), par la suite, qui voient l'économie comme encastrée dans la société.

Courant de la nouvelle sociologie économique .
Mark Granovetter a lancé le programme d'une nouvelle sociologie économique[4], en partie dérivé des travaux de Harrison White sur la structure sociale des marchés. Selon ce dernier, l'individu n'est pas un atome prenant ses décisions hors contexte social. L'action de l'homme est avant tout une action sociale où le comportement économique peut s'expliquer par une recherche de la maximisation de l'utilité mais aussi par d'autres formes de rationalité (rationalité en valeur décrite par Max Weber). Par ailleurs, l'action économique ne peut se comprendre sans la prise en compte des relations personnelles de l'individu et le poids de la structure sociale (cf. l'analyse sur les réseaux).

L'action économique est donc "encastrée" dans le social ("encastrement" ou "embeddedness" en anglais, est un terme utilisé par Karl Polanyi et depuis par de nombreux sociologues anglo-saxons).

De nombreuses études relevant de ce courant de pensée s'opposent à l'analyse néoclassique, notamment dans l'explication sur le marché du travail (Granovetter) ou bien encore sur l'analyse de la mise en place de l'assurance-vie aux États-Unis (Zelizer).

En France, si Pierre Bourdieu s'est intéressé à la sociologie économique, notamment avec une analyse de champs économiques[5], et de positions de dominants et de dominés par un système de capitaux capitaux, d'autres sociologues se sont par la suite opposés à son analyse, comme Luc Boltanski, pour qui les individus ne sont pas aliénés et enchaînés par un habitus, mais responsables et maîtres de leurs décisions, courant de la sociologie pragmatique, fondé avec Laurent Thévenot. Plus tard, Luc Boltanski et Ève Chiapello collaboreront dans Le nouvel esprit du capitalisme, où ils mettront en notamment en évidence l'historique de la position de cadre, ou encore la notion de "Cités", manières de considérer les employés d'une entreprise, la rentabilité économique n'étant que l'un des aspects (contrairement à ce que pourrait mettre en évidence une analyse néoclassique), au même titre que la créativité, le respect de l'ordre, etc.

Différences méthodologiques entre sociologie et économie
Les deux domaines se distinguent par des approches méthodologiques différentes[6].
Les sociologues préfèrent les descriptions qualitatives et peu formalisées de la réalité. Les économistes privilégient généralement l'usage d'outils mathématiques et statistiques (dont l'économétrie) dans leurs analyses. Par ailleurs, les économistes élaborent des modèles, semblables par certains aspects à ceux de la physique, qui ne peuvent qu'apporter une représentation simplifiée de la réalité économique.

Certains sociologues sont en désaccord avec les hypothèses sur les comportements des agents économiques, dont l'hypothèse d'anticipation rationnelle, utilisés par l'école néoclassique. Selon eux, les économistes s’accrochent à la théorie en voulant utiliser des modèles stricts dans des domaines complexes et impossible à formaliser. De plus, dans un souci de simplification, les économistes prennent les individus comme point de départ des études des phénomènes sociaux et économiques, sans tenir compte de l'appartenance à un environnement social qui les influence, comme le feraient des sociologues. Néanmoins, le rôle de la structure est parfois controversé dans le milieu de la sociologie, par des sociologues comme Mark Granovetter, qui critiquent autant une vision "Sous-socialisée", de l'économie néoclassique, que les visions "Sur-socialisées", tenues par des sociologues, notamment Talcott Parsons. Granovetter met en évidence que dans les deux cas, l'individu n'est qu'une simple marionnette qui obéit à des forces, maximisation de l'utilité dans un cas, ou structure dans l'autre, ces deux approches oublient donc le rôle important des réseaux et des relations interpersonnelles[7].En France, le courant de l'économie des conventions, mené par Laurent Thévenot et Luc Boltanski, rejette une vision socialisante, se basant sur les normes comme seuls facteurs déterminant les comportements, de même que l'approche néoclassique, postulant des rapports de force issus de l'échange de biens rares.

Les sociologues recherchent un pluralisme méthodologique, que permet l'absence de modélisation. Beaucoup de sociologues ont ainsi adopté une démarche dite historique comparative, celle-ci tente de rendre compte des fonctionnements des différentes organisations économiques dans le temps et dans l’espace. L'étude de l'économie est replacée dans son contexte historique et social, ce qui peut conduire à des interprétations subjectives et orientées.

Plus récemment, certains économistes comme Gary Becker, ont estimé que les outils économiques étaient puissants, et pouvaient être utilisés en-dehors du champ économique, pour expliquer des phénomènes sociaux, notamment l'analyse des ménages, ou la criminalité, phénomènes à-priori purement sociologiques.

Certains courants de la science économique, comme l'économie comportementale, ou la nouvelle économie institutionnelle, mettent l'accent sur les normes et institutions qui entourent le comportement des agents dans le premier cas, et plus généralement l'économie dans son ensemble, dans le second cas, avec des approches très diverses.

Posts les plus consultés de ce blog

La division du travail chez Karl Marx

La division du travail chez Karl MARX. L'analyse de la division du travail tiens également une place particulière dans la pensée marxienne. Elle est un moyen de faire du profit et sert le dessein (projet) de la classe dominante, mais elle conduit aussi à la séparation entre les hommes, à la constitution des classes et à leurs conflits. MARX cherchera dans le capital à retracer l'histoire de la division capitaliste du travail. Il part de la période manufacturière, car la manufacture est le véritable point de départ de la production capitaliste, en ce sens qu'elle va rassembler les ouvriers dans le même espace de travail. Si l'habilitée de métier reste le fondement de la manufacture, chaque ouvrier y occupe une fonction parcellaire. Le développement de la division du travail dans la période manufacturière se traduit pas une subdivision des opérations productives, par une parcellisation des fon...

Traiter les faits sociaux comme des choses (Fabien Bekale)

          Dans Les règles de la méthode sociologique, œuvre écrite en 1895 par Emile Durkheim, sociologue français du XIXe siècle, l’auteur résume l’objet de la sociologie et la méthode à appliquer pour pratiquer cette discipline. Dans cet ouvrage, le projet sociologique de l’auteur, considéré comme le père de la sociologie française, apparait clairement. Il cherche en effet à fonder la sociologie comme une science nouvelle et à l’établir institutionnellement ; ce livre répond à cette ambition ou il définit les règles méthodologiques à suivre pour une étude sociologique. La première règle et la plus fondamentale résulte de l’idée selon laquelle « il faut traiter les faits sociaux comme les choses ». Il s’agira d’abord de définir le concept de fait social...

Classe sociale, Marx, Weber et Bourdieu.

Karl Marx 1818 - 1883 Grâce à son analyse de la société industrialisée et capitaliste, Karl Marx a mis en évidence l’existence de classes sociales, groupements d’individus partageant des intérets communs. Les deux principales classes sont la bourgeoisie capitaliste : personnes disposant du capital et propriétaires des moyens de productions, qui ont donc le pouvoir d’embaucher les prolétaires : personnes n’ayant que leur force de travail et qui sont exploitées et dominées économiquement par les bourgeois. Ces deux classes opposées et irréductibles constituent une approche bipolaire de la société. Marx distingue donc une classe sociale grâce à trois critères : sa place dans les rapports de production (« en soi »), le sentiment d’appartenance à un groupe ayant des intérets communs ou conscience de classe (« pour soi ») et les rapports conflictuels qu’elle entretient avec les autres classes. Enfin, Marx élabore son analyse selon une démarche holiste d’après laquelle le comportement des ind...

Trois critères de la classe sociale selon Karl Marx

Trois critères de la classe sociale selon Karl Marx -La place dans les rapports de productions. Les membres d'une même classe partagent la même place dans les rapports de production c'est à dire avec un rôle particulier des productions des circulations et de la distribution des richesses. -La participation aux antagonismes sociaux, car selon Marx "c'est dans la lutte et par elle que les classes se constituent, se structurent, prennent conscience d'ellesmêmes". -La conscience de classe est un sentiment d'appartenance à une classe sociale liée à l'existence d'intérêts communs. Surtout la conscience de classe des prolétaires qui se développera avec la lutte des classes. La pensée de Marx est une interprétation du caractère contradictoire et antagoniste de la société capitaliste. Il existe en effet deux (2) formes de contradictions: -entre la force de production et rapport de production: la bourge...

Emile Durkheim déterminisme ou holisme?

Durkheim le déterministe ? Durkheim l'holiste ? Durkheim fut à maintes reprises accusé de déterminisme et d'holisme (Raymond Aron en particulier attaquerait l'holisme supposé de Durkheim) à cause de ses positions et sa méthodologie. D'autres critiques vont aussi loin en affirmant que Durkheim est anti-individuel, et qu'il ne laisse aucune place à l'individu dans ses théories. Dans ce sens, Durkheim est souvent comparé à Max Weber, qui privilégie l'individu dans ses analyses87. En effet, quelle liberté reste-t-il à l'homme dans l'œuvre de Durkheim ? Quelle est la place de l'individu dans l'œuvre de Durkheim ? Bien que Durkheim tentait d'expliquer les phénomènes sociaux à partir des collectivités, il laisse bien la place aux individus et au libre arbitre dans ses théories et ses analyses, et les accusations de déterminisme ou de holisme manquent de prendre en compte et interpr...