Michel Crozier
1PRÉSENTATION
Michel Crozier (1922- ), sociologue français, fondateur de la sociologie des organisations.
2LES PREMIERS PAS D’UN SOCIOLOGUE DE TERRAIN
Né à Sainte-Menehould, Michel Crozier étudie à l’École des hautes études commerciales (HEC) avant d’effectuer son premier séjour aux États-Unis (1949-1950), où il réalise une étude sur les syndicats américains. Après avoir intégré le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) à son retour en France, il se consacre à la sociologie du travail, dans le sillon de Georges Friedmann, et se distingue en inscrivant sa démarche sociologique dans un travail de terrain et d’enquête. Son analyse du Centre des chèques postaux de Paris, en 1954, est ainsi suivie d’une enquête sur le fonctionnement du Monopole français des tabacs et allumettes, qui trouve un certain écho en France et dans de nombreux pays.
3LE FONDATEUR DE LA SOCIOLOGIE DES ORGANISATIONS
Après un deuxième séjour déterminant aux États-Unis, à l’université Stanford (Californie), en 1959-1960, Michel Crozier fonde en 1961 le Centre de sociologie des organisations. En 1964, il publie son premier ouvrage important, le Phénomène bureaucratique, fortement influencé par les études culturalistes américaines, qui conçoivent la culture comme un système de comportements conditionnés par l’éducation et le milieu social. L’ouvrage décrit le fonctionnement d’une administration française marquée par la centralisation des décisions, qui engendre la peur du face-à-face et qui aboutit à l’isolement de chaque catégorie hiérarchique ainsi qu’au développement de relations de pouvoir parallèles. Le fonctionnement et les dysfonctionnements des systèmes bureaucratiques y sont analysés à travers la manière dont les acteurs pratiquent entre eux le jeu de la coopération ou celui du conflit.
4UN INTELLECTUEL ENGAGÉ DANS LA RÉFORME
Michel Crozier mène parallèlement une réflexion méthodologique dans le cadre de l’analyse stratégique, qu’il expose dans un ouvrage écrit avec Erhard Frieberg, l’Acteur et le Système (1977). Élargissant son analyse, il s’efforce de saisir des situations concrètes, déterminées par le système de pouvoir propre à une organisation. Il parvient à la conclusion que, loin d’exécuter passivement une règle transmise d’« en haut », l’acteur conserve toujours une marge de liberté : il s’insère en fait dans un système d’actions concret, terme qui désigne la multitude des jeux complexes régissant les conduites humaines et orientant les stratégies. Selon Michel Crozier, l’imbrication des diverses actions crée des « zones d’incertitude » : du fait que l’on ne peut pas prévoir si les acteurs adoptent une stratégie de coopération ou d’affrontement, l’issue de toute réforme est aléatoire.
Tout au long des années 1970-1990, la problématique des résistances au changement de la bureaucratie, « le cercle vicieux bureaucratique », reste au centre de l’œuvre de Michel Crozier — la Société bloquée (1970), On ne change pas la société par décret (1979), État modeste, État moderne (1987), l’Entreprise à l’écoute : apprendre le management postindustriel (1989). Engagé dès les années 1960 dans la réflexion sur la réforme de l’État et de la société française, au sein notamment de la revue Esprit, puis du Club Jean-Moulin, il analyse les blocages de la société française dans la Crise de l’intelligence : essai sur l’impuissance des élites à se réformer (1995) et Quand la France s’ouvrira (2000).
En 2002, Michel Crozier publie le premier tome de ses Mémoires, Ma belle époque, où il relate son « apprentissage professionnel » jusqu’au lendemain de Mai 68.