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La parenté

Parenté

1 PRÉSENTATION
Parenté, relations humaines fondées sur la consanguinité et le mariage. La parenté constitue un système social et culturel. Toutes les sociétés attribuent aux liens entre les parents par le sang et par alliance des implications juridiques, politiques et économiques caractéristiques de chaque société.
2 SYSTÈMES DE DESCENDANCE
À la base de la parenté se trouve la relation initiale père-mère-enfant sur laquelle de nombreuses cultures ont greffé une quantité de relations familiales. Les parents sont rattachés à cette unité élémentaire par le principe de consanguinité verticale ou par celui de consanguinité horizontale qui lient une génération à une autre et déterminent certains droits et obligations entre celles-ci. Les lignées peuvent être envisagées de façon bilatérale (selon les deux sexes), ou de façon unilatérale (selon le lignée masculine ou féminine seulement). Dans les lignées unilatérales, la descendance est qualifiée de patrilinéaire si la connexion se fait à travers la lignée masculine, et de matrilinéaire si elle se fait à travers la lignée féminine.
Il existe d'autres types de description de la filiation : le système parallèle, où hommes et femmes retracent chacun leur ascendance à travers leur propre sexe ; la méthode cognatique, où les parents des deux sexes sont pris en considération, avec peu de distinction formelle entre eux.
3 SUCCESSION ET HÉRITAGE
Les parents sont classés selon des groupes distincts, avec des rôles et des comportements spécifiques, dans toutes les études consacrées à la parenté.
La méthode de classification des parents a de nombreuses applications pratiques. Ainsi, les relations familiales propres à une société déterminent largement l'attribution des droits et leur transmission d'une génération à la suivante. Dans de nombreuses sociétés, la succession des fonctions et des titres ainsi que l'héritage de la propriété sont inhérents au système de parenté. La propriété peut se transmettre à travers les générations de plusieurs façons, notamment du frère de la mère au fils de la sœur (dans les sociétés matrilinéaires), du père au plus jeune frère du père (dans certaines cultures patrilinéaires) ou du père au fils (dans de nombreuses sociétés patrilinéaires).
Dans certaines sociétés, les termes de parenté peuvent aussi indiquer la position de chacun des membres de la famille pour l'héritage des biens et des propriétés. Les Latmuls de Nouvelle-Guinée, par exemple, attribuent cinq noms différents pour désigner le premier enfant, puis le deuxième, le troisième, le quatrième et le cinquième dans une famille. Lors d'éventuelles querelles patrimoniales, le premier et le troisième enfant doivent s'allier contre le deuxième et le quatrième.
4 THÉORIES DE LA PARENTÉ
L'évolution de la parenté et de sa terminologie fait l'objet des études d'anthropologie depuis le XIXe siècle. L'anthropologue américain Lewis Henry Morgan qui développa à cette époque sa théorie de la parenté, soutenait que la terminologie de parenté utilisée dans les sociétés sans écriture reflètent un « faible » niveau de développement culturel, alors que la terminologie répandue dans « les sociétés civilisées » indiquent un stade de développement « avancé ». Cette théorie fut abandonnée lorsqu'on découvrit qu'il n'existe qu'une variété limitée des systèmes de parenté en usage que l'on retrouve chez tous les peuples, indépendamment de leur niveau d'évolution technologique.
Les théories de la parenté ont été étudiées tout particulièrement par Claude Lévi-Strauss et les principes qu'il en a dégagés sont généralement admis par les anthropologues du monde entier.
La parenté, selon Lévi-Strauss, forme un système dont les éléments ne peuvent prendre leur signification qu'en fonction les uns des autres. On distingue généralement trois aspects caractéristiques des systèmes de parenté :
1. Les appellations. On désigne par là les termes par lesquels « ego » (c'est-à-dire le sujet de référence, celui dont on parle) désigne chaque membre de sa parentèle. Elles se subdivisent en systèmes descriptifs et en systèmes classificatoires.
Dans les systèmes descriptifs, ego désigne un de ses parents par la série des relations élémentaires qui le séparent de lui (par exemple, « fils du frère du père »). Ce système est complexe et rare. On le trouve chez les Shillouks ou chez les Dinka du Soudan.
Dans les systèmes classificatoires, un même terme classificatoire se réfère soit à des parents de même génération (mère, sœurs de la mère, par exemple chez les Inuits), soit à des parents appartenant à des générations différentes, voire de sexes différents.
2. Les comportements. À partir de ce que Lévi-Strauss appelle « atome de parenté » qui fonde tous les systèmes de parenté (hypothèse qui est généralement adoptée par les anthropologues tels que Morgan, Lévi-Strauss, Edmund Leach), les comportements sont liés par la double relation alliance/consanguinité et par les systèmes généraux de parenté qui les fondent. Ainsi, chez les Fang (patrilinéaires) du Cameroun, les relations entre frères et sœurs, entre oncles maternels et neveux sont simples et détendues, alors que les relations entre époux (mari/femme), entre parents descendants directs (père/fils), se caractérisent par des règles rigides et des contraintes : c'est également le cas des Kongo (matrilinéaires) du Congo.
3. Les droits et les obligations en fonction des alliances. Dans cette perspective, la parenté est une relation sociale qui ne coïncide pas nécessairement avec la consanguinité. Dans les sociétés traditionnelles non-industrielles, Lévi-Strauss a distingué deux grands principes : le système d'échange restreint (une femme d'un groupe est échangée contre une femme d'un autre groupe) et le système d'échange généralisé (des femmes d'un groupe sont échangées contre des biens d'un autre groupe).
a) L'échange restreint. Il se pratique dans le mariage symétrique (bilatéral) des cousins croisés : ego et sa sœur épousent l'un sa cousine, l'autre son cousin, qui sont également frère et sœur. C'est le système kariera, qui porte le nom d'une tribu d'Australie (voir figures 1 et 2)



b)L'échange généralisé. L'échange généralisé peut avoir deux formes principales, selon que l'on choisit comme référence le côté du père ou le côté de la mère. Mais dans les deux cas, le mariage d'ego avec sa cousine croisée matrilatérale est prohibé. Leach a montré que les groupes qui donnent les femmes et les groupes qui les reçoivent s'inversent à chaque génération selon une règle logico-mathématique complexe.
Ces deux systèmes, appelés respectivement trobriandais (des îles Trobriand) (figure 3) et kachin (nom d'un peuple de Birmanie), portent le nom des tribus où ils ont été observés. La terminologie des parentés est également susceptible d'ambiguïtés : ainsi, le grand-père et le petit-fils sont parfois désignés par un terme unique

Dans les sociétés étudiées, des règles d'une grande complexité président aux alliances matrimoniales et à la consanguinité parentale. Toutes les sociétés définissent des classes de personnes qu'un individu peut épouser, et d'autres avec lesquelles le mariage lui est interdit, même si les systèmes paraissent plus souples et moins apparents dans nos sociétés que dans les sociétés étudiées par les anthropologues. Ainsi, comme on l'a vu, le système kariera prescrit le mariage préférentiel entre cousins croisés patrilatéraux ou cousins croisés matrilatéraux. La structure parentale obéit donc à des lois sociales fondamentales.
La loi la plus importante, celle qui est au fondement de toute société, est la loi de la prohibition de l'inceste. En vertu de cette loi universelle, un père n'épouse pas sa fille, une mère son fils, un frère sa sœur ; à ces interdictions en vigueur dans les sociétés industrielles s'ajoutent d'autres interdictions : chez certains peuples, le mariage entre cousins parallèles est également prohibé. Les conséquences de cette loi s'analysent en termes d'échange : les femmes doivent « circuler », c'est-à-dire passer d'un groupe à l'autre, dans le cadre d'un échange soit contre d'autres femmes, soit contre des biens (prestations et contre-prestations). De là découlent des interdictions et des obligations des individus les uns envers les autres, les systèmes d'appellation et, dans de nombreux cas, les modes de comportements, de type relâché ou tendu. De la parenté découlent également les modes de filiation et les modes de transmission des biens.
Diverses hypothèses ont été élaborées pour expliquer l'universalité de la prohibition de l'inceste. Selon l'une d'elles, l'échange des femmes est une nécessité économique, à l'instar de l'échange des biens. Selon une autre hypothèse explicative d'ordre psychanalytique, la prohibition de l'inceste vise à gérer le « complexe d'Œdipe », et en particulier la fonction paternelle dans le triangle père-mère-enfant, analysé par Freud (la figure paternelle) et par Lacan (la fonction symbolique du langage).
Toutes ces hypothèses, quelle qu'en soit la valeur respective, débouchent sur la constatation d'une étroite conjonction entre le biologique et le social, entre la nature et la culture.

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