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Mercantilisme

mercantilisme

1 PRÉSENTATION
mercantilisme, politique économique qui s’appuyait sur un corps de doctrines préconisant l’intervention de l’État pour développer la richesse nationale, ce développement étant assuré par l’excédent des exportations sur les importations, dans un contexte marqué par l’expansion du commerce international.
Le mercantilisme fut, de manière plus ou moins intégrale, appliqué dans la plupart des pays européens entre le XVIe et le XVIIIe siècle. Coïncidant avec l’apparition des États-nations et les premières manifestations du capitalisme moderne, il favorisa les premières descriptions portant sur le rôle de la monnaie et de la production, ainsi que les premières analyses du circuit économique (anticipant notamment celle des physiocrates). Il constitua ainsi une étape majeure dans l’élaboration de la science économique moderne.
2 FONDEMENTS THÉORIQUES
Le mercantilisme ne s’est jamais présenté comme une doctrine économique d’ensemble, mais plutôt comme un ensemble de courants, apparus de manière parallèle dans différents pays d’Europe, et qui fondèrent des expériences nationales diversifiées. L’agrarianisme, ou mercantilisme agrarien, était associé aux idées de Sully et d’Olivier de Serres, qui considéraient que l’effort de développement doit porter en priorité sur l’agriculture, activité éminemment productrice de richesses. Le bullionisme, représenté en Espagne et en Italie (notamment par Giovanni Botero), postulant que la seule richesse de l’État et des agents économiques réside dans l’or, prohibait absolument toute sortie de métal précieux et préconisait de payer toute importation en marchandises et non en monnaie.
Un peu plus tard, le fiduciarisme, qui inspira notamment l’expérience menée par John Law en France sous la Régence, reposait sur l’idée que l’émission de monnaie fiduciaire (les billets de banque) est de nature à favoriser le développement économique. Ce système était toutefois fondé sur la confiance de l’ensemble des agents économiques, principale limite d’une telle expérience dans une économie alors peu familiarisée avec la diffusion des signes monétaires.
Les deux courants les plus représentatifs du mercantilisme, ceux qui connurent l’application la plus complète et la plus durable, se rencontrèrent en Angleterre et en France. Le commercialisme, préconisé en Angleterre par des économistes comme Josiah Child, William Petty et Gregory King, mettait l’accent sur le développement du commerce : l’accroissement de la richesse passait par un excédent des exportations, acquittées en monnaie, sur les importations, dont le paiement devait favoriser l’achat de produits anglais. L’État avait en outre pour mission d’assurer l’approvisionnement de l’économie en moyens de paiement afin de permettre la baisse des taux d’intérêt et de favoriser ainsi l’investissement.
L’autre courant principal du mercantilisme est né en France, à partir des travaux de Jean Bodin, et fut marqué par les apports d’Antoine de Montchrestien, auteur du Traité d’économie politique (1615) et de Barthélemy de Laffemas. Insistant moins sur le développement du commerce que sur l’accroissement et la qualité de l’offre, ce courant prônait la transformation directe des matières premières dans le cadre exclusif de la nation, la protection des manufactures et des industries nationales par des droits de douane, le développement des importations de matières premières et des exportations de produits manufacturés. Mis en pratique sous le règne de Louis XIV, ce type de mercantilisme peut être qualifié d’industrialiste.
Entre tous ces courants, qui sans jamais s’opposer partent souvent de postulats différents, il est cependant possible de dégager certains points communs. Tous partagent l’analyse selon laquelle la richesse nationale, qui fonde la puissance d’un pays, réside dans sa capacité à attirer sur son territoire les métaux précieux (ceux-ci affluaient en Europe depuis la découverte des Amériques) ; l’objectif principal de la politique économique devient alors de produire plus dans le cadre national pour conquérir de nouveaux marchés à l’extérieur, de manière à accumuler des excédents et parvenir ainsi à un solde positif de la balance commerciale.
3 EXPÉRIENCES D’APPLICATION
Seules la France et l’Angleterre mirent en œuvre de véritables politiques mercantilistes, les autres pays, moins développés économiquement, se contentant bien souvent de mesures fragmentaires, d’inspiration protectionniste. Il est à noter, cependant, que les Pays-Bas, très tôt convertis au libéralisme, se tinrent totalement à l’écart du mercantilisme.
En Angleterre, pays de tendance libérale, la politique mercantiliste prit la forme d’une série d’incitations, destinées à encourager l’initiative privée, telles que l’octroi de monopoles ou de privilèges, la création d’aides à l’exportation, le développement de la marine et divers encouragements à l’expansion des grandes compagnies coloniales.
La France prit des mesures semblables, mais, fidèle à sa tradition centralisatrice, fit jouer à l’État un rôle beaucoup plus actif dans la vie économique. À partir du règne de Louis XIV, une politique d’industrialisation intensive, dont Colbert fut le principal maître d’œuvre, se traduisit notamment par un arsenal de mesures protectionnistes (droits de douanes à l’importation, encouragement au commerce de réexportation) et par la création de structures préfigurant un capitalisme d’État, comme la création d’arsenaux et de grandes manufactures, dont certaines étaient spécialisées dans la fabrication de glaces (Saint-Gobain), de tapisseries (Beauvais, les Gobelins) et d’armes (Saint-Étienne, Tulle).
4 DÉCLIN DU MERCANTILISME
À partir du milieu du XVIIIe siècle le mercantilisme entra dans une phase de déclin. Les nouvelles conditions de l’activité économique (expansion du commerce international, développement industriel, apparition d’entreprises capitalistes individuelles, innovations technologiques), ouvrant la voie à la révolution industrielle, déterminèrent l’évolution vers un système économique dominé par le libre-échange.
Le mercantilisme fut une étape essentielle dans la constitution de structures économiques modernes, dans la mesure où il favorisa le dépassement d’une organisation économique traditionnelle, fondée sur une très forte réglementation, au profit d’un système fondé sur l’initiative privée, la division du travail et la domination du marché, bases du capitalisme libéral tel qu’il fut expérimenté au XIXe siècle.

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