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Féminisme

Féminisme

1 PRÉSENTATION
Féminisme, mouvement militant visant à accroître le rôle et les droits des femmes dans la société.
L’origine du terme « féminisme », attribuée par certains à Charles Fourier, n’est pas établie avec certitude. En 1872, Alexandre Dumas fils l’emprunte au vocabulaire médical de l'époque où il désigne les hommes d'apparence féminine. Dès les années 1890 cependant, on le retrouve dans divers écrits où il évoque la revendication collective des femmes pour l’égalité entre les sexes. En outre, même si le terme n’apparaît qu’au XIXe siècle, l’aspiration « féministe » est bien plus ancienne.
2 UN MOUVEMENT AUX ORIGINES LOINTAINES
Dès le XVe siècle, en France, des voix féminines s’élèvent contre la profonde injustice dont sont victimes les femmes. Certaines, souvent instruites et issues de l’aristocratie, prennent la plume pour dénoncer la domination de l’homme et s’y opposer. Christine de Pisan, célèbre pour avoir défendu la cause des femmes contre les écrits misogynes des prêtres, s’insurge dans sa Cité des Dames (1405) contre les discriminations qui frappent les femmes et revendique pour elles le droit d’exercer les mêmes fonctions que les hommes. Deux siècles plus tard, Marie de Gournay, fille d’alliance de Montaigne, publie l’Égalité des hommes et des femmes (1622) et énonce ce qui deviendra l’une des revendications principales des premières féministes : l’accès à l’instruction. Derrière cette revendication émerge l’idée selon laquelle la femme n’est pas par nature inférieure à l’homme, mais que l’éducation est responsable de la position d’infériorité dans laquelle elle demeure confinée.
2.1 L’impact de la Révolution
S’il est d’usage de fixer le début du féminisme comme mouvement collectif à la première moitié du XIXe siècle, son origine remonte en réalité à la fin du XVIIIe siècle et s’inscrit dans le cadre général de la Révolution Française.
En 1791, Olympe de Gouges réclame la reconnaissance de la citoyenneté des femmes dans sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, inspirée de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. En Angleterre, Mary Wollstonecraft exige l'égalité entre les sexes et signe, avec A Vindication of the Rights of Woman (Défense des droits de la femme, 1792), un ouvrage déterminant pour le développement du mouvement féministe à venir. Encouragées par le discours révolutionnaire qui affirme l’égalité des individus, les femmes engagées dans la Révolution — leur participation est active dans les mutineries, les actions de lutte contre la disette, les cahiers de doléances, les pétitions, les clubs politiques, les élections — militent pour la reconnaissance de leurs droits civils.
La réaction conservatrice qui suit cette période vient cependant porter un coup d’arrêt à l’évolution de la condition sociale et juridique des femmes à peine amorcée avec la Révolution, comme le confirme l'adoption, en 1804, du Code Napoléon, lequel consacre l’incapacité juridique de la femme.
2.2 Les premières revendications
C'est au XIXe siècle, à la faveur des révolutions de 1830 et de 1848, que naît véritablement un mouvement féministe militant revendiquant des droits éducatifs, économiques et politiques. En outre, la révolution industrielle, en donnant aux femmes une certaine indépendance économique par le travail salarié, contribue à créer en Europe un climat favorable au développement du féminisme.
En France, sous l’impulsion des doctrines saint-simoniennes et fouriéristes, les femmes dénoncent leur « asservissement séculaire » et réclament l'« affranchissement ». Quelques grandes figures de ce féminisme en plein essor se distinguent. C’est notamment le cas de l’écrivain Flora Tristan, militante socialiste, engagée dans la cause des ouvrières et la lutte pour le divorce et l’amour libre, et de la socialiste Pauline Roland, qui dirige notamment le Club républicain des femmes (1848).
La presse et les associations jouent un rôle prépondérant dans la diffusion et le développement des revendications féministes. De nombreux journaux paraissent à partir de 1830, de la Femme libre (fondée en 1832) à la Voix des femmes (1848), véritables tribunes pour la défense de la condition féminine au sein de la famille (libération de la tutelle masculine, restauration du divorce), dans le monde du travail (accès à l’emploi, égalité des salaires), dans la vie publique (droit de vote). Engagées d’abord au sein de clubs mixtes révolutionnaires, les femmes se regroupent par la suite en associations, clubs ou sociétés féministes dont la raison d’être est leur émancipation.
En dépit de cette effervescence, l'avènement de la IIe République en 1848 se solde par l'instauration d'un suffrage « universel » dont les femmes restent exclues, ce qui ravive les actions pour l’égalité des droits civiques. L’avènement de la IIIe République et la Commune de Paris (1871) constituent un nouveau temps fort pour l’expression des revendications féministes, auxquelles la militante révolutionnaire Louise Michel donne une vive résonance.
Aux États-Unis et en Grande-Bretagne, le féminisme est plus réformateur que révolutionnaire. Ses dirigeantes sont souvent instruites et issues de la bourgeoisie. Pour la première fois, une convention pour les droits de la femme se tient à Seneca Falls (État de New York) en 1848. Elle réunit une centaine de personnes, dont l'abolitionniste Lucretia Mott et la féministe Elizabeth Cady Stanton, qui revendiquent l'égalité des droits, dont le droit de vote. Les féministes britanniques tiennent leur première convention en 1855, avec pour principale revendication le droit à la propriété. La publication de l'ouvrage l'Assujettissement des femmes par le philosophe britannique John Stuart Mill contribue au progrès de la cause féministe, même s'il ne suffit pas à convertir une opinion publique qui reste fort réticente à l'émancipation féminine.
2.3 Les premiers acquis à l’aube du XXe siècle
Les combats menés au cours du XIXe siècle en faveur de l’égalité entre les sexes aboutissent partout en Europe à la reconnaissance d’un certain nombre de droits, en matière éducative et civile notamment. En France, la loi Falloux votée en 1850 oblige les communes de plus de 500 habitants à ouvrir une école primaire de filles et, à partir de 1925, filles et garçons se voient dispenser les mêmes enseignements. En 1907, une loi permet à la femme de disposer librement de son salaire. Dans d’autres pays d’Europe, plus particulièrement en Angleterre et dans les pays nordiques, le droit des femmes à disposer librement de leurs biens constitue l’une des premières victoires des féministes. En Angleterre, par exemple, la femme mariée peut, dès 1882, être propriétaire et disposer librement de son salaire.
2.4 La bataille pour le droit de vote
La revendication pour le vote des femmes, tremplin nécessaire pour accéder aux centres de décision politique, constitue l’une des principales causes de mobilisation des femmes, comme en témoigne la création en 1904 de l’Alliance internationale pour le suffrage des femmes. Il s’agit aussi de l’une des revendications qui rencontre le plus de résistance en raison de ses implications sur l’ordre patriarcal en vigueur : la participation des femmes à la vie publique est considérée comme une menace pour le foyer et la famille.
Si c’est aux États-Unis que se développe le mouvement moderne de revendication pour l’extension du droit de vote aux femmes — l’État du Wyoming accorde le droit de vote aux femmes dès 1869 —, c’est en Grande-Bretagne que la lutte prend sa forme la plus radicale et spectaculaire, avec le combat, parfois violent, d’Emmeline Pankhurst et de ses suffragettes. Malgré la mobilisation de masse, l'émancipation politique et l'intégration comme citoyens « de première catégorie » dans les sociétés démocratiques ne seront acquises qu’après de longues années de lutte. Les pays nordiques, comme la Norvège et la Finlande, déjà pionniers en matière de réformes en faveur des droits économiques des femmes, sont les premiers à établir le droit de vote pour les femmes. Dans certains pays, tels que la Grande-Bretagne, les femmes se voient concéder le droit de vote au lendemain de la Première Guerre mondiale, en signe de reconnaissance pour leur contribution à l’effort de guerre. Dans les pays d’origine latine, comme la France et l’Italie, ce droit ne leur est accordé qu’au moment de la Seconde Guerre mondiale.
3 LE GRAND TOURNANT DES ANNÉES 1960-1970
3.1 Le choc du Deuxième Sexe
Après la Seconde Guerre mondiale et l’obtention du droit de vote, les revendications féministes se font plus discrètes. Dans ce contexte, l’essai que signe Simone de Beauvoir en 1949, le Deuxième Sexe, éclate comme une bombe. Parce qu’il met en lumière la position d’infériorité dans lequel la société maintient la femme et qu’il appelle à la lutte pour l’indépendance, il servira de référence au renouveau féministe américain et européen. D’autres œuvres, plus tardives, telles que la Femme mystifiée (The Feminine Mystique, 1963) de l’Américaine Betty Friedan, rendent compte du sentiment diffus parmi les femmes de discrimination et d’oppression au sein de la famille, du mariage et de la sexualité. C’est contre cette « oppression » que s’élèvent les mouvements de « libération » des années 1960-1970, dans le sillage des mutations démographiques, économiques et sociaux de l'époque. Au-delà de l’égalité entre les sexes, c’est la spécificité de l’identité féminine que ces mouvements affirment avec force.
3.2 Les mouvements de libération
Ce féminisme trouve souvent dans le marxisme une référence idéologique — de laquelle les termes de « lutte des sexes », de « classe de femmes » ou de « rapports sociaux des sexes » sont directement importés — et se fonde notamment sur l’ouvrage d’Engels intitulé l'Origine de la famille, de la propriété privée et de l'État, où sont décrits les mécanismes de subordination des femmes à l'intérieur de la famille. S’il n’est pas surprenant de voir la pratique militante se développer dans les années 1960 en relation avec les mouvements de gauche, ce lien est également conflictuel : la référence marxiste ne s'applique que jusqu'à un certain point, la lutte des classes étant historiquement plus marquée que la lutte entre les sexes. Certains « groupes de femmes » se développent donc au sein de syndicats, de partis de gauche et d'extrême gauche qui désirent intégrer à leur profit l'essor du mouvement féministe ; mais d'autres femmes se détournent de ces organisations traditionnelles, mettant en avant leur appartenance au seul mouvement des femmes. La « sororité » affirmée comme lien politique par le Mouvement de libération des femmes (MLF), qui refuse en son sein toute structure hiérarchique, permet la diffusion des idées féministes dans des classes sociales diverses ; elle n'empêche pas cependant les prises de pouvoir abusives au sein de certains groupes.
Deux des plus célèbres de ces mouvements de libération sont ainsi créés en 1968 : le Women's Lib aux États-Unis, et le MLF en France. Un des mots d'ordre des mouvements militants de l'époque est : « le privé est politique », ce qui signifie que la subordination dont chaque femme fait individuellement l'expérience n'a pas valeur d'incident isolé, mais est l'expression d'une oppression collective de nature politique ou, en d'autres termes, que dans une société patriarcale, le sexisme marque la vie des femmes dans tous les domaines. Parmi les revendications essentielles de ces mouvements, certaines illustrent fort bien cette irruption sur la place publique (dans la rue, sous forme de manifestations ou lors de procès) de questions traditionnellement cantonnées à la sphère privée : lutte contre l'« oppression familiale » où la femme est enfermée dans un rôle d'épouse et de mère, accès à la contraception libre et gratuite, légalisation de l'avortement, reconnaissance du viol comme crime, etc.
Au terme de la bataille menée par les féministes en France à la fois sur l’opinion et sur les pouvoirs publics, leurs conquêtes sont nombreuses et leurs avancées capitales : en 1967, la loi Neuwirth légalise la contraception, en 1975, la loi Veil dépénalise l’interruption volontaire de grossesse, la législation sur le divorce fait l’objet d’une refonte totale et une loi établit le principe de l’égalité professionnelle entre hommes et femmes.
4 UN COMBAT TOUJOURS D’ACTUALITÉ ?
Depuis les années 1990, le militantisme féministe s'exerce dans trois domaines principaux : la défense des droits acquis dans les années 1970, l'extension des droits politiques, en particulier dans le cadre du combat pour la démocratie paritaire, et la lutte contre les discriminations professionnelles et salariales. Les réactions de défense des droits (à l'avortement, en particulier), surtout observées aux États-Unis, répondent à l'impact accru, dans les années 1980, des mouvements conservateurs. Selon l'enquête de Susan Faludi intitulée Backlash, le retour en force de la « majorité morale » serait même tel que les progrès des femmes américaines dans les domaines politiques et professionnels se trouvent littéralement stoppés.
En France, le constat irréfutable de la sous-représentation des femmes au sein des institutions politiques — les femmes, qui représentent un peu plus de la moitié de l’électorat, ne forment, par exemple, que 11 p. 100 des élus de l’Assemblée nationale — a poussé certains mouvements de femmes à militer pour une démocratie paritaire, dans laquelle l’égalité de droits entre les sexes inscrite dans la Constitution française se traduirait par une égalité réelle. D’abord relayée par les institutions européennes, cette revendication a trouvé un vif écho au sein de l’opinion et des pouvoirs publics, en suscitant un large débat sur le bien-fondé d’une loi qui, pour ses opposants, diviserait le peuple en catégories et instaurerait des mesures de discrimination positives. Les promoteurs de la parité font valoir le caractère essentiel, constitutif de l'humanité, du sexe ; les femmes ne sont pas une catégorie de citoyens parmi d’autres, mais la moitié de l’humanité. En imposant un nombre identique d’hommes et de femmes sur les listes électorales, la loi sur la parité, promulguée le 6 juin 2000 et « relative à l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives », tranche le débat dans le sens de l’adoption de mesures concrètes et coercitives visant à corriger la sous-représentation des femmes dans la vie politique et à réaliser l’égalité des chances pour les femmes et les hommes.

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