François Dubet
1PRÉSENTATION
Dubet (1946- ), sociologue français.
Enseignant à l’université de Bordeaux et à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), François Dubet est l’auteur de nombreux ouvrages consacrés à ses travaux sur la marginalité juvénile, les écoliers et les institutions. S’inscrivant dans le courant contemporain de la sociologie de l’action, qui s’intéresse aux logiques à l’œuvre dans les actions des individus, il développe surtout une approche théorique novatrice sous le nom de « sociologie de l’expérience ». Depuis les années 1980, ce fin observateur des mutations sociales se présente comme un constructiviste modéré : même soumis à son milieu, l’individu n’en construit pas moins sa propre réalité, sa propre expérience du monde.
2LA CONSTRUCTION DE L’EXPÉRIENCE SOCIALE
Né à Périgueux, François Dubet rejoint le Centre d’analyse et d’intervention sociologique (Cadis) au moment de sa création, en 1981. Au sein de ce laboratoire fondé par Alain Touraine dans le but d’analyser les nouvelles formes de mouvements sociaux, il découvre une méthode particulière, l’intervention sociologique, dans laquelle le sociologue aide le groupe rencontré à comprendre le sens de ses actions.
Il applique notamment cette méthode avec des jeunes « en galère » (la Galère : jeunes en survie, 1987). Leurs propos incohérents le surprennent en ce qu’ils se considèrent tour à tour exclus et membres de la société de consommation de masse, à la fois victimes et délinquants… Constatant qu’aucune explication sociologique n’explique complètement un tel éclatement des conduites et des discours, le sociologue en vient à cette conclusion : ces jeunes sont inscrits dans plusieurs logiques, contradictoires mais qui leur correspondent toutes. La construction de leur autonomie et de leur personnalité n’en est que plus difficile, voire impossible.
C’est au cours de cette intervention sociologique que François Dubet pressent ce qui va devenir le cœur de ses analyses : dans la société actuelle, les notions de rôle ou de statut social, chères à Pierre Bourdieu, se sont effacées au profit de la construction, propre à chacun, d’une expérience sociale sans fin.
3OUVRAGES PRINCIPAUX
François Dubet approfondit progressivement son analyse en étudiant une institution et ses acteurs : l’école, les élèves et les enseignants. Dans les Lycéens (1991), il étudie la manière dont les élèves se représentent l’école, la sélection, l’organisation scolaire et la vie pédagogique, et la façon dont leur subjectivité s’affine et se développe. Les élèves (comme les enseignants) sont confrontés à leur motivation, doivent donner un sens à leur expérience de la classe, à leurs études, pour se socialiser et s’affirmer en tant que sujet. Pour François Dubet, ce n’est plus l’école qui fixe le cadre à l’élève, mais l’élève qui fixe le cadre de son expérience sociale de l’école. Dans À l’école. Sociologie de l’expérience scolaire (1996), co-écrit avec Danilo Martuccelli, il avance que ce qui définit l’école n’est plus son caractère institutionnel, mais les interactions et les expériences des différents acteurs, élèves et enseignants en particulier.
Avec Sociologie de l’expérience (1994), François Dubet expose sa réflexion sur les trois logiques d’action de l’individu : l’intégration, la stratégie et la subjectivisation. Suivant la logique de l’intégration, chacun se comporte en tant que membre d’une communauté (classe, travail, association…), faite de représentations et de pratiques. Dans la logique de la stratégie, l’individu est en compétition avec ses pairs, inscrit dans des rapports de hiérarchie et poursuivant des intérêts personnels. La logique de la subjectivisation est celle du sujet engagé dans des luttes et des projets.
Pour François Dubet, c’est bien le Déclin de l’institution (2002) qui oblige l’individu à renoncer à un statut social défini. Chacun est amené à évoluer en gérant tant bien que mal ces trois logiques d’action.