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Phénoménologie

Phénoménologie

1 PRÉSENTATION
Phénoménologie (étymologiquement, « science ou théorie des phénomènes »), courant philosophique majeur du XXe siècle qui peut être défini comme la science du phénomène ou de l’apparaître.
La phénoménologie procède généralement par une étude descriptive préalable du donné phénoménal, de façon à en constituer l’inventaire. Cette description a ensuite pour but de déterminer les conditions générales de l’apparaître : ce qu’elle vise, c’est l’essence du phénomène, lui-même conçu comme une dimension essentielle de l’être.
2 NAISSANCE D’UNE IDÉE
C’est bien cette démarche qui est à l’origine de la Phénoménologie de l’esprit de Hegel : analysant les étapes successives par lesquelles passe la conscience, partant de la connaissance sensible, la sensation individuelle, pour accéder à la raison et au savoir absolu, Hegel développe la notion de conscience de soi, en tant qu’elle se manifeste et qu’elle se cherche.
Parallèlement, la phénoménologie est aussi redevable des orientations prises par la psychologie à la fin du XIXe siècle, et notamment celles que lui a données Franz Brentano (Psychologie du point de vue empirique, 1874). Dans son approche des phénomènes psychiques, ce psychologue allemand a privilégié un point de vue radicalement empirique, qu’il veut libéré du joug de la théorie, en tâchant d’écarter toute préconception et tout savoir préalable. L’influence de Brentano se révèle également dans la primauté qu’il donne à la relation intentionnelle dans le phénomène psychique : pour lui, la conscience est toujours une intention dirigée vers l’objet. Autrement dit : « la conscience est toujours conscience de quelque chose », axiome fondamental que développera son principal héritier, Edmund Husserl.
3 HUSSERL, FONDATEUR DE LA PHÉNOMÉNOLOGIE COMME SCIENCE PHILOSOPHIQUE
Le « retour aux choses elles-mêmes », condition initiale posée par Husserl, est le corrélat de l’intentionnalité identifiée par Brentano. Ainsi, dès les Recherches logiques (1900-1901), la phénoménologie sera l’étude des vécus de pensée et de connaissance, des structures de la conscience qui lui permettent de se rapporter aux objets extérieurs à elle. Cependant, pour Husserl, cette recherche doit dépasser la singularité du champ phénoménal si elle veut se constituer comme science, et c’est en cela qu’elle s’intéresse aux essences — qui sont des invariants de sens — et non plus aux faits. Il faut donc opérer par réduction, de façon à se retrouver en face de la conscience pure, du moi transcendantal : la réduction phénoménologique est ce retour réflexif sur les vécus de pensée qui « met entre parenthèses » l’existence du monde. Il ne s’agit pas d’exclure ou de nier celui-ci, et d’enfermer la conscience dans une intériorité subjective, mais d’accéder à son être véritable. Dès lors, dit Husserl dans ses Idées directrices pour une phénoménologie (1913), « il deviendra possible d’envisager la conscience comme étant conscience de quelque chose et, partant, de montrer qu’elle n’est elle-même que dans le monde ».
4 LA PHÉNOMÉNOLOGIE APRÈS HUSSERL
S’ils sont unanimes à souscrire au mot d’ordre de « retour aux choses mêmes », les successeurs de Husserl se divisent sur la condition de possibilité de la réduction phénoménologique.
Dans la Transcendance de l’ego (1936), Sartre, figure majeure de l’existentialisme, va radicaliser la conception husserlienne de la conscience : il démontre que l’ego, le moi, est dans le monde et non pas dans la conscience. La conscience est un rien, elle est irréelle et impersonnelle, mais ce rien est essentiel, car c’est lui qui permet d’accéder au monde, d’être conscience des objets du monde.
De son côté, Heidegger, dans Être et Temps (1927), refuse la méthode de la réduction phénoménologique. Pour aborder la question de l’être, il faut définir un étant singulier, le Dasein (l’être-là), et l’ouverture au monde passe nécessairement par le rejet de la conscience transcendantale, car nous sommes au monde, jetés au monde parmi les choses. C’est donc par l’analytique existentiale que procédera Heidegger : rendre compte du Dasein, de l’existence concrète de l’Homme pour accéder à l’être en général.
La phénoménologie de Merleau-Ponty est bien plutôt une phénoménologie existentielle : dans son ouvrage la Phénoménologie de la perception (1945), il montre comment le corps, sensible et mobile, est profondément impliqué dans l’acte de connaissance. Pour lui, il est impossible de mettre l’expérience privée entre parenthèses, car elle précède toute pensée sur le monde et est le sens ultime de l’être.
Si Sartre, Merleau-Ponty et Heidegger ont été les figures les plus notoires de la phénoménologie après Husserl, la postérité de ce grand courant de pensée a été assurée par de nombreux philosophes, parmi lesquels on peut citer le Tchèque Jan Patočka (1907-1977), Michel Henri, Jean-François Lyotard, Jean-Toussaint Desanti (Introduction à la phénoménologie, 1963 ; rééd. 1994), ou encore Paul Ricœur, qui a fortement contribué à la découverte de Husserl en France (À l’école de la phénoménologie, 1986).
Mais le succès de la phénoménologie, dû au fait qu’elle constitue aussi une méthode, a également dépassé les limites du champ philosophique. Des approches phénoménologiques d’autres disciplines ont vu le jour, en esthétique (Mikel Dufrenne), en critique littéraire (Maurice Blanchot, Jean-Pierre Richard), ou encore en psychologie et en psychiatrie (Kurt Goldstein), et en sociologie.

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