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Siècles des Lumières

Siècles des Lumières

1 PRÉSENTATION
Siècles des Lumières, période de l’histoire de la culture européenne correspondant au XVIIIe siècle.
Le siècle des Lumières est marqué par le rationalisme philosophique et l’exaltation des sciences, ainsi que par la critique de l’ordre social et de la hiérarchie religieuse, soit les principaux éléments de l’idéologie politique à l’œuvre pendant la Révolution française.
L’expression « siècle des Lumières » apparaît dès le XVIIIe siècle ; elle est fréquemment employée par les écrivains de l’époque, convaincus qu’ils viennent d’émerger d’une longue période d’obscurité et d’ignorance et d’entrer dans un nouvel âge illuminé par la raison, la science et le respect de l’humanité. Déjà, au XVIIe siècle, René Descartes préconisait de penser à la « seule lumière naturelle », et non plus selon des schémas divins ou surnaturels.

2 LES PRÉCURSEURS

Les philosophes rationalistes du XVIIe siècle, tels que René Descartes et Baruch Spinoza, les philosophes politiques Thomas Hobbes et John Locke, et certains penseurs sceptiques en France, comme Pierre Bayle, peuvent être considérés comme les précurseurs du siècle des Lumières, bien que certains éléments de leurs doctrines s’opposent aux conceptions empiristes et antiautoritaires des penseurs du XVIIIe siècle. Les découvertes scientifiques et le relativisme culturel lié à l’étude des civilisations non européennes ont également contribué à la naissance de « l’esprit des Lumières ».

3 LA RAISON ET LE PROGRÈS

La plus importante des hypothèses et espérances communes aux philosophes et intellectuels des Lumières est incontestablement la foi inébranlable dans le pouvoir de la raison humaine. La découverte de la gravitation universelle par Isaac Newton (à la fin du XVIIe siècle) bénéficie notamment d’un écho considérable au XVIIIe siècle ; en effet, si l’humanité est en mesure de révéler les lois de l’Univers, elle peut espérer découvrir les lois propres à la nature et à la société humaine ; grâce à l’usage judicieux de la raison s’ouvre la perspective d’un progrès perpétuel dans le domaine de la connaissance, des réalisations techniques et des valeurs morales.
Dans le sillage de la philosophie de John Locke, les penseurs du XVIIIe siècle considèrent, à la différence de René Descartes, que la connaissance, loin d’être innée, procède uniquement de l’expérience et de l’observation guidées par la raison. Ils affirment que l’éducation a le pouvoir de rendre les hommes meilleurs et même d’améliorer la nature humaine. Désormais, la recherche de la vérité doit se poursuivre par l’observation de la nature plutôt que par l’étude de sources autorisées telles qu’Aristote et la Bible.
S’ils voient dans l’Église, et en particulier dans l’Église catholique romaine, la principale force qui a tenu l’esprit humain dans l’esclavage par le passé, la plupart des penseurs des Lumières ne renoncent pas complètement à la religion. Ils adoptent plutôt une forme de déisme, acceptant l’existence de Dieu et d’un au-delà, mais rejettent les arcanes de la théologie chrétienne. Selon eux, les aspirations humaines ne doivent pas porter sur un avenir lointain, mais sur les moyens d’améliorer la vie présente. Aussi le bonheur sur terre est-il placé au-dessus du salut religieux. Les penseurs des Lumières n’attaquent rien avec autant de violence et de férocité que l’Église, sa richesse, son pouvoir politique et sa volonté d’entraver le libre exercice de la raison.

4 UNE MÉTHODE DE PENSÉE

Plus qu’un ensemble d’idées déterminées, les Lumières relèvent d’une attitude, d’une méthode de pensée. Selon Emmanuel Kant, le mot d’ordre du siècle doit être « ose savoir » : le désir de réexaminer et de remettre en question toutes les idées et valeurs reçues, d’explorer de nouvelles idées dans des directions différentes, doit être permanent.
Cette démarche d’ouverture délibérée à tous les champs de la connaissance n’est pas sans provoquer incohérences et contradictions dans les écrits des penseurs des Lumières. Ceux-ci ne sont pas tous philosophes à proprement parler ; ils sont plutôt des vulgarisateurs qui s’engagent à diffuser des idées nouvelles. Ils se plaisent à se qualifier de « parti de l’humanité » et, pour s’attirer les faveurs de l’opinion publique, écrivent des pamphlets et des tracts anonymes et rédigent des articles pour des revues et des journaux fraîchement créés.

5 UN MOUVEMENT COSMOPOLITE

La France constitue l’épicentre de la pensée des Lumières. Le philosophe politique et juriste Charles de Montesquieu en est l’un des premiers représentants : après plusieurs œuvres satiriques sur les revers de la civilisation occidentale, il publie son étude monumentale, De l’esprit des lois (1748). Denis Diderot, auteur de quantité de pamphlets philosophiques, entame pour sa part la publication de l’Encyclopédie (1751-1772). Cette œuvre ambitieuse, à laquelle collaborent de nombreux philosophes, est conçue à la fois comme une somme de toutes les connaissances et comme une arme polémique — et politique. Voltaire est le plus influent et le plus représentatif des écrivains français de cette période : auteur dramatique et poète à ses débuts, il devient célèbre pour ses nombreux pamphlets, ses essais, ses satires, ses contes philosophiques et pour son immense correspondance avec des écrivains et des monarques de toute l’Europe. Les œuvres de Jean-Jacques Rousseau, notamment Du contrat social (1762), Émile ou De l’éducation (1762) et les Confessions (1782 et 1789, parutions posthumes), exercent également une profonde influence sur la pensée politique et sur la théorie de l’éducation, en même temps qu’elles donnent une impulsion au romantisme du XIXe siècle.
Le mouvement intellectuel des Lumières se distingue par son caractère profondément cosmopolite et antinationaliste. Emmanuel Kant en Allemagne, David Hume en Écosse, Cesare Beccaria en Italie et Benjamin Franklin et Thomas Jefferson dans les colonies britanniques d’Amérique, entretiennent tous d’étroits contacts avec les philosophes français, tout en collaborant eux-mêmes activement au mouvement.

6 LES SOURCES DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

Pendant la première moitié du XVIIIe siècle, plusieurs chefs de file des Lumières sont emprisonnés pour leurs écrits, et la plupart d’entre eux doivent subir la censure gouvernementale et les attaques de l’Église. Les dernières décennies du siècle sont cependant marquées par le triomphe des idées des Lumières en Europe et en Amérique. Dans les années 1770, les philosophes de la seconde génération reçoivent des pensions gouvernementales et prennent le contrôle d’institutions culturelles prestigieuses. L’augmentation spectaculaire du nombre de journaux et de livres publiés garantit une large diffusion de leurs idées. Les expériences scientifiques et les écrits philosophiques sont à la mode dans de nombreuses couches sociales, même auprès de la noblesse et du clergé. Un certain nombre de monarques européens adoptent aussi quelques-unes des idées ou, du moins, du vocabulaire des Lumières. Voltaire et d’autres philosophes, qui affectionnent l’idée du roi philosophe éclairant le peuple d’en haut, accueillent avec enthousiasme l’apparition des soi-disant « despotes éclairés » : Frédéric II de Prusse, Catherine II la Grande de Russie et Joseph II d’Autriche.
Puis, vers la fin du XVIIIe siècle, des changements importants se produisent dans la pensée des Lumières. Sous l’influence de Jean-Jacques Rousseau, le sentiment et l’émotion deviennent aussi respectables que la raison. Dans les années 1770, les écrivains étendent le champ de leurs critiques aux questions politiques et économiques. La guerre de l’Indépendance américaine (1776-1783) ne manque pas de frapper les esprits. Aux yeux des Européens, la déclaration d’Indépendance et la guerre révolutionnaire représentent, pour la première fois, la mise en œuvre des idées « éclairées » et encouragent les mouvements politiques dirigés contre les régimes établis en Europe.
Le siècle des Lumières aboutit à la Révolution française de 1789. Toutefois, dans ses phases de violence entre 1792 et 1794, la Révolution discrédite provisoirement les idéaux incarnés par les Lumières. Pourtant, cette période lègue un héritage durable aux XIXe et XXe siècles : le XVIIIe siècle marque le déclin de l’Église, ouvre la voie au libéralisme politique et économique, et suscite des changements démocratiques dans le monde occidental du XIXe siècle. Le siècle des Lumières apparaît ainsi à la fois comme un mouvement intellectuel et une période historique marquée par des événements décisifs.

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