Constructivisme
Explication 1: Le constructivisme est une synthèse entre deux mouvements opposés : le structuralisme et l'individualisme méthodologique. Il remet en cause cette opposition radicale entre l'idée d'un acteur qui serait entièrement libre en société (individualisme méthodologique) et l'idée d'un agent qui serait prisonnier des structures (structuralisme). Le constructivisme allie les dimensions de « contraintes » et de « liberté ». C'est un courant qui s'est fondé sur un travail de recherches empiriques très fournies. C'est aussi un courant qui insiste sur la prudence conceptuelle. On y trouve des sociologues comme Georg Simmel, Michel de Certeau, Michel Crozier, François Dubet ou encore quelqu'un comme Jean-Paul Sartre. (d'après Catherine Delcroix, 11/10/2004) Ouvrage fondateur. Comme ouvrage fondateur du courant constructiviste, on peut citer : Peter Berger, Thomas Luckmann, La construction sociale de la réalité, 1966, Paris, Méridiens Klincksieck, 1986. (d’après Pascal Dauvin, 22/02/2005).
Explication 2: (le constructivisme en anthropologie). « Le culturalisme a donné lieu, depuis déjà quelques décennies, à une mise en cause par différents types de courants et d’auteurs que l’on peut considérer comme étant d’orientation constructiviste. Ils prolongent et radicalisent les interrogations qui étaient déjà présentes au sein même des réflexions des culturalistes. On peut distinguer deux types de constructivisme. Une première forme consiste à avancer qu’aucune culture n’existe à l’état pur, que l’acculturation n’est pas un phénomène marginal ou accidentel mais permanent et universel. Toute culture est en permanence en proie à un processus de construction/reconstruction/déconstruction. Les cultures doivent toujours être appréhendées comme des systèmes dynamiques (et non pas comme des états stables) sujets à d’incessantes reconfigurations. Les tenants de ce courant récusent totalement les visions fonctionnalistes. Le représentant le plus notoire de ce mouvement est Roger Bastide. Il a analysé, notamment à partir des cultures afro-américaines (il a travaillé au Brésil), ces phases de déconstruction/reconstruction en mettant en avant le fait que la déculturation n’est pas forcément un phénomène négatif qui aboutit à une décomposition. Un de ses articles les plus célèbres est "Problèmes de l’entrecroisement des civilisations et de leurs œuvres" (1960). Bastide s’oppose implicitement et explicitement au structuralisme de Lévi-Strauss. Il questionne la notion de structure qu’il trouve trop statique. À ce terme de structure, il oppose l’idée de structruration/restructuration/destructuration et met l’accent sur la mutation, la discontinuité. Cette critique de Bastide a été prolongée et radicalisée par des gens comme François Laplantine (dans Le métissage, coécrit avec Alexis Nouss et publié en 1997) mais, plus encore, par quelqu'un comme Jean- Louis Amselle qui avance que toutes les cultures sont métisses, qu’il n’y a pas de culture pure. Pour Amselle (Logiques métisses. Anthropologie de l’identité, 1990), le métissage n’est pas un phénomène marginal mais inhérent à la vie des cultures. Toutes les cultures sont en proie à des phénomènes de contact, de mélange, d’hybridation, de métissage. Il n’y a pas de discontinuité entre les cultures. Les cultures particulières ne sont pas étrangères les unes aux autres même si, pour s’affirmer, elles ont tendance à accentuer leurs différences. Amselle avance qu’il faut toujours adopter, dans l’analyse des cultures, une position "continuitiste", qui privilégie la dimension relationnelle. Cette forme de constructivisme va conduire à une récusation de deux notions complémentaires essentielles : celle de culture et celle d’identité. Amselle va essayer d’en montrer la dimension idéologique et leur faiblesse au plan conceptuel. Cette critique des notions d’identité et de culture a été prolongée par d’autres types de travaux qui relèvent d’une deuxième forme de constructivisme. Une des idées de cette deuxième forme est que les référents culturels sont des artefacts, des construits qui sont mobilisés à des fins stratégiques, dans des circonstances précises, par des groupes sociaux, par des leaders, pour produire des phénomènes de cohésion au sein des groupes concernés et pour mener à bien des entreprises de type politique. L’historienne Anne-Marie Thiesse s’inscrit dans ce courant. Dans La création des identités nationales (1999), elle défend l’idée que les identités nationales ou régionales ne sont pas des faits de nature mais des constructions culturelles s’appuyant sur des récits fondateurs (variables selon le temps) articulés autour de figures héroïques célébrées à travers des monuments, l’iconographie, etc., récits qui contribuent à fonder la légitimité d’une nation, d’une région, d’une ville... Un autre auteur notable de ce mouvement-là est Benedict Anderson, auteur de L’imaginaire national (1983), qui est à l’origine de la notion de "communautés imaginées" : ce qui constitue le sentiment national, c’est le fait de se sentir membre d’une communauté imaginée (mais pas imaginaire puisqu’elle existe). On peut aussi citer Ernest Gellner, auteur de Nations et nationalisme, qui met l’accent non seulement sur le rôle de l’école dans l’inculcation de ces constructions, mais aussi sur celui des médias. Citons encore Eric Hobsbawm, auteur post-marxiste, qui a écrit Nations et nationalismes depuis 1780 : programmes, mythe et réalité (1990), et Jean-François Bayart qui, dans L’illusion identitaire (1996), met en avant que l’identité est une illusion, qu’elle est le fruit de constructions imaginaires. Bayart propose de substituer à la notion essentialiste d’identité celle de stratégie identitaire. Il récuse complètement la conception d’une culture- carcan, d’une culture-tradition et lui oppose des faits concrets qui témoignent de ce que les cultures sont souvent des bricolages hétéroclites sujets à la manipulation par des élites politiques. » (Lochard, 09/01/2008)