Culturalisme
Définition 1: « Courant théorique issu de l’anthropologie américaine des années 30, qui étudie les cultures comme ensembles cohérents et propres à chaque société. Pour les auteurs de ce courant (Ruth Benedict, Margaret Mead, Abram Kardiner, Ralph Linton), la personnalité des individus est fortement influencée par la culture. » (Alpe et alii, 2005, art. « Culturalisme »)
Définition 2: « Ecole nord-américaine d’anthropologie dont les chefs de file ont été Ruth Benedict, Margaret Mead, Ralph Linton et Abram Kardiner. Elle met l’accent sur la culture plus que sur la société et postule l’existence de corrélations étroites entre les modèles culturels et les éléments constitutifs de la personnalité. À son actif, un renouvellement des méthodes ethnographiques, un recours à la psychanalyse, une prise en compte du relativisme culturel et un approfondissement de certaines notions (pattern, personnalité de base, institution, socialisation). Clapier-Valladon Simone, Panorama du culturalisme, Paris, Épi, 1976. » (Ferréol, 1991, 2004, p. 38)
Définition 3: « Courant anthropologique américain (développé à partir des années 1930) influencé par la psychologie et la psychanalyse et centré sur l’étude des comportements humains appréhendés comme manifestation du modèle culturel d’une société. // Les concepts fondamentaux élaborés par ce courant sont ceux de modèle culturel (ou pattern) et de personnalité de base. Les culturalistes insistent sur la relativité des formes et des orientations culturelles jusque dans les domaines au premier abord les plus "naturels" : prime éducation, rapports entre les sexes, âges de la vie ; l’individualité biologique est entièrement investie par la culture. // Principaux représentants du culturalisme : Ruth Benedict (1887-1948), Pattern of Culture, 1934 Margaret Mead (1901-1978), Mœurs et sexualités en Océanie, 1932-1935 Abraham Kardiner (1891-1981), psychanalyste venu à l’anthropologie Ralph Linton (1893-1953), Le fondement culturel de la personnalité, 1945. » (Échaudemaison, 1989, 2003, art. « Culturalisme »).
Explication 1: « On peut schématiser la pensée culturaliste de la façon suivante : 1) une société particulière est caractérisée par sa culture et non par sa production matérielle ; 2) une culture est définie par un ensemble de traits culturels ; 3) la cohérence de ces traits relève d’un système de valeurs dominantes qui forment un modèle : par exemple les Zunis privilégient un modèle apollinien valorisant l’harmonie, tandis que les Kwakiutl adoptent un modèle dionysien valorisant la compétition ; 4) l’ensemble des traits est intériorisé par les individus sous la forme d’une personnalité de base. » (Durand, Weil, 1989, 2006, p. 653).
Explication 2: « Le culturalisme est une posture théorique qui se met en place avec l’anthropologie naissante, au XIXe siècle, et qui s’affirme en rupture avec le naturalisme. Elle met en avant que l’Homme est saisi par la culture et non pas par l’hérédité, par l’instinct, par des caractères innés. Les fondateurs de l’anthropologie et de l’ethnologie – pour qui l’unité humaine ne faisait aucun doute – se proposent de penser les spécificités des coutumes des différentes sociétés, autrement dit de penser la diversité dans l’unité. Les historiens de l’anthropologie considèrent que le Britannique Edward Tylor est le premier à avoir posé la définition anthropologique de la culture : "Culture ou civilisation, pris dans son sens ethnologique le plus étendu, est ce tout complexe qui comprend la connaissance, les croyances, l’art, la morale, le droit, les coutumes et les autres capacités ou habitudes acquises par l’homme en tant que membre de la société." La culture est donc quelque chose d’acquis que l’on s’approprie par le mécanisme inconscient de la socialisation. Cette définition va être radicalisée par un autre anthropologue américain, Franz Boas, fondateur avec Edward Sapir de l’anthropologie américaine et véritable père fondateur du culturalisme en anthropologie. Boas récuse les grandes généralisations abstraites très présentes dans l’anthropologie naissante et propose très clairement une conception particulariste des cultures. Pour lui, chaque culture est spécifique, constitue une totalité singulière. Tout l’effort de l’anthropologie est alors de mettre au jour ce qui fait la cohérence et l’unité d’une culture particulière. Une des disciples les plus importants de Boas est Ruth Benedict qui est à l’origine de deux concepts : celui de type culturel et celui de pattern. Pour Benedict, chaque culture se caractérise par une certaine configuration, un certain modèle, et est donc gouvernée par une sorte de schéma inconscient sous-jacent à toutes les activités de la vie. L’objectif d’un ethnologue est de saisir cette cohérence, de mettre au jour ce pattern. Ruth Benedict n’en est pas restée au niveau des généralités mais s’est engagée dans des études spécifiques notamment sur les Amérindiens. Elle a par exemple comparé les Indiens Zunis du Nouveau-Mexique avec une autre tribu, les Kwakiutls, Indiens de plaines. Elle définit les uns comme paisibles, conformistes, solidaires, les autres comme individualistes, agressifs, excessifs... Et elle en dégage deux grands modèles qu’elle appelle respectivement le modèle dionysiaque et le modèle apollinien, qu’elle suggère comme étant des modèles ayant valeur plus générale. On retrouve cette attitude chez Margaret Mead, inspiratrice des études féministes, qui a montré comment, en Nouvelle-Guinée, se construisaient les personnalités féminines et masculines (qu’on a longtemps cru comme ayant des fondements biologiques). Elle montre des processus d’enculturation (le terme est d’elle) : dès les premiers mois de la vie, un individu se voit inculquer un modèle (par des systèmes d’interdits, de sanctions ou, au contraire, de récompenses) qui va le gouverner tout au long de la vie. » (d’après Lochard, 09/01/2008)