Holisme
Définition: « S’oppose à l’individualisme méthodologique. Prédominance du tout sur les parties. Interprétation de nature globalisante. Importance des "effets de système" ou des "déterminations structurelles". » (Ferréol, 1991, 2004, art. « Holisme »)
Le holisme de Durkheim (et son positionnement contre l’individualisme). Dans Les Règles de la méthode sociologique (1894), Durkheim, sans utiliser le terme de holisme, tient des propos qui peuvent être considérés comme holistiques. Il explique que certains phénomènes (qu’il appelle des « faits sociaux ») « s'imposent à l’individu, qu'il le veuille ou non » (1894, chapitre premier). C’est par exemple le cas du langage, de la monnaie, ou de la religion : « les croyances et les pratiques de sa vie religieuse, le fidèle les a trouvées toutes faites en naissant ; si elles existaient avant lui, c'est qu'elles existent en dehors de lui. Le système de signes dont je me sers pour exprimer ma pensée, le système de monnaies que j'emploie [...], les pratiques suivies dans ma profession, etc., etc., fonctionnent indépendamment des usages que j'en fais. [...] Non seulement ces types de conduite ou de pensée sont extérieurs à l'individu, mais ils sont doués d'une puissance impérative et coercitive en vertu de laquelle ils s'imposent à lui, qu'il le veuille ou non. » (Ibid.) Durkheim oppose alors sa vision (holistique) à celle des individualistes : « Il est vrai que ce mot de contrainte, par lequel nous les définissons [les faits sociaux], risque d'effaroucher les zélés partisans d'un individualisme absolu. Comme ils professent que l'individu est parfaitement autonome, il leur semble qu'on le diminue toutes les fois qu'on lui fait sentir qu'il ne dépend pas seulement de lui-même. Mais puisqu'il est aujourd'hui incontestable que la plupart de nos idées et de nos tendances ne sont pas élaborées par nous, mais nous viennent du dehors, elles ne peuvent pénétrer en nous qu'en s'imposant ; c'est tout ce que signifie notre définition. On sait, d'ailleurs, que toute contrainte sociale n'est pas nécessairement exclusive de la personnalité individuelle. » (Ibid.)
La non-pertinence de l’opposition holisme/individualisme selon Bourdieu. « Samir (élève de Terminale ES) : On vous présente comme un sociologue "holiste". Qu'en pensez-vous ? P. Bourdieu : D'abord ce mot "holiste" ne veut pas dire grand chose. Il vient du grec holos qui veut dire tout, totalité. C'est un mot qu'un certain nombre de gens parmi les économistes et les sociologues opposent au concept "individualiste". En général, "holiste" est un mauvais mot, une insulte. C'est au fond tout ce que les économistes néoclassiques n'aiment pas. Le "holiste" par excellence, pour eux, c'est Marx, leur bête noire. Les gens qu'on met dans cette case expliqueraient les phénomènes sociaux comme une totalité par opposition à ceux qui partent des individus. C'est une opposition qui n'a pour moi aucun sens comme l'opposition entre individu et société. Elle est partout, sert de sujet de dissertation mais elle ne veut strictement rien dire dans la mesure où chaque individu est une société devenue individuelle, une société qui est individualisée par le fait qu'elle est portée par un corps, un corps qui est individuel. Même un individu économique est un être, un sujet collectif : qu'il soit un citoyen quelconque qui va faire son marché ou un entrepreneur, il a une tête collective, un langage collectif. Ce qui est embêtant, c'est que ce genre d'oppositions archi-fausses existent, continuent à circuler et à retarder la recherche. » (Bourdieu, 2002)