Sociologie critique
Définition: « C'est le nom qui est donné à l'Ecole de Francfort, dont les auteurs furent, entre autres, Horkheimer, Adorno, Benjamin, Marcuse, Fromm. Ces chercheurs étaient tous associés à l'Institut für Sozialforschung, fondé en 1923 à Francfort-sur-le-Main. Mais ce n'est qu'en 1831 que Horkheimer prit la tête de l'Institut et que furent jetées les bases de ce qu'on appellera ensuite l'Ecole de Francfort (la mal nommée, car nazisme oblige, les travaux les plus importants furent réalisés en exil aux Etats-Unis.) L'Ecole retrouve Francfort après la guerre, en
1950, avec le retour de Horkheimer, puis celui d'Adorno, qui prendra, en 1956, Habermas comme assistant. La « théorie critique » redevenant ce qu'elle n'avait jamais cessé d'être, un courant de la pensée allemande. Ce qui, malgré la diversité de leurs œuvres, rassemble ces auteurs, et d'autres qui vinrent après eux, comme Habermas, c'est qu'ils traitent d'un objet commun – la domination – à partir d'une même tradition de pensée, un hégélo-marxisme. Les concepts qui dominent sont ceux de la réification, de l'aliénation, du fétichisme de la marchandise. La société moderne y est caractérisée par la façon dont elle traite l'individu comme une chose. Leurs interrogations, concernant par exemple le système communicationnel conçu comme instrument du contrôle social, seront du type : « Qui contrôle ? Qui manipule ? Au bénéfice de qui ? » Ils forgent la notion de « culture de masse », produit de la transformation de l'art sous l'effet des industries culturelles et en font le signe du règne de la marchandise et de son fétichisme. C'est à cette sociologie critique qu'on devra des notions totalisantes comme « société de consommation », « société du spectacle », « l'homme unidimensionnel », et c'est elle, en particulier les travaux de Marcuse, qui sera revendiquée comme idéologie par les révoltes étudiantes des années
60. L'Ecole de Francfort a eu une influence marquée qui va très au-delà de son cercle de disciples affirmés. Il n'est pas abusif d'en découvrir l'écho, en France, dans les recherches d'un Bourdieu, d'un Baudrillard ou d'un Vincent, et en Angleterre dans celles d'un Giddens ou d'une Margaret Archer. » (Akoun, Ansart, 1999, pp. 492-
493)
Explication : La sociologie critique en France est une sociologie de la justice sociale. « la sociologie critique des trente dernières années s'est surtout attachée, particulièrement en France, au problème des inégalités sociales. Dans de nombreuses études, elle a mis en lumière, en s'appuyant surtout sur la statistique, les inégalités de répartition de biens publics comme, par exemple, l'instruction et les soins médicaux, particulièrement les biens de consommation durables et les biens d'équipement. Sous ce rapport cette sociologie peut être traitée comme une sociologie de la justice. » (Boltanski, 1990, p. 129).
Bourdieu, sociologue critique. Concernant Bourdieu, Jean Lojkine le qualifie de « figure majeure de la sociologie critique » (Lojkine, 2002, p. 5). Philippe Corcuff parle quant à lui « des modèles de sociologie critique "post-marxiste" proposés par Pierre Bourdieu ». Il résume ces modèles de la sociologie critique de la manière suivante : « le croisement de la logique de l’habitus (l’inconscient social intériorisé par chaque personne au cours de sa socialisation) et de celle des champs sociaux (les structures sociales extériorisées, dans des dynamiques sociales s’imposant aux individus malgré eux) limitant la part donnée aux volontés humaines dans l’explication des mouvements de l’histoire. » (Corcuff, 2006)