Solidarité mécanique et solidarité organique
Dans sa thèse, De la division du travail social (1893), Emile Durkheim distingue deux formes de solidarité. La première se base sur la ressemblance, la seconde sur la complémentarité.
On trouve la première forme de solidarité, la « solidarité mécanique », dans les sociétés qu'il qualifie de « primitives » (aujourd'hui, on parlerait plutôt de sociétés "traditionnelles"). Dans ces sociétés, la « conscience commune » est très forte : des valeurs (principalement religieuses) sont partagées par tous les individus. Le poids de ces valeurs est tel qu'il laisse peu de latitude à chacun pour affirmer une personnalité propre. Les individus ressemblent donc les uns aux autres, et c'est cette ressemblance, ces valeurs partagées, qui créent les liens de solidarité au sein de la société.
« La société qui dérive des ressemblances est à son maximum quand la conscience collective recouvre exactement notre conscience totale et coïncide de tous points avec elle. Nous proposons d'appeler mécanique cette espèce de solidarité. » (Durkheim, 1893, livre premier, chapitre III, § III, pp. 99-100)
Chez les peuples « évolués » (disons : dans les sociétés "complexes"), la conscience commune est beaucoup moins forte. Les individus peuvent donc développer des personnalités variées. D'ailleurs, dans ces sociétés, il existe des métiers très divers (contrairement aux sociétés traditionnelles où presque tout le monde à une même activité : cultiver la terre). Chaque métier (et aussi chaque être humain) est comme un organe de la société. Et, comme dans le corps humain, ces organes sont complémentaires entre eux. C'est pour cela que Durkheim parle de « solidarité organique ».
« La solidarité que produit la division du travail suppose que les individus diffèrent les uns des autres. Nous proposons d'appeler organique la solidarité qui est due à la division du travail. » (Durkheim, 1893, livre premier, chapitre III, § III, pp. 100-101)